La notion de salaires emboités est essentielle pour lire la réalité cachée du discours dominant économique ou politique.
C’est une lecture « en creux ».
Version 1
Un discoureur économique libéral a pour principale mission de vous empêcher de comprendre chaque saloperie du système, et plus encore de lire le système dans sa globalité.
Cette globalité est tellement égoïste, cruelle et injuste qu’il est avant tout essentiel de perdre toute réflexion qui pourrait s’avérer critique.
Voilà : Quoique vous achetiez, un service, un bien, celui-ci vaut la somme des salaires emboités de tous les « gens » qui ont contribué à sa fabrication.
Mais quand je me fais poser une nouvelle cuisine, par exemple, je sais bien que le plombier et ses employés ne représentent pas en salaires toute la facture : les matériaux et fournitures comptent beaucoup.
OK. Prenons une de ces fournitures. Le tube de cuivre. Le tube de cuivre vaut les salaires de l’usine de tubes, plus les salaires amortis des ingénieurs qui ont conçu et fait construire la machine à transformer des lingots en tube etc…
Intéressons-nous au cuivre : salaire du camionneur, part de salaires mobilisée pour fabriquer son camion etc et, à la fin, extraction du minerai.
Et là, c’est gratos. Le propriétaire de la mine ne glisse pas un chèque dans le sol pour payer la fourniture de minerai. Le paysan ne glisse pas un chèque dans la terre après la récolte, ni quand un veau nait dans sa ferme.
J’y reviendrais, car notre système de société a donc programmé, en négligeant les coûts écologiques, la mort de la branche sur laquelle il s’est perché. Comme les maladies les plus terribles, l’incubation est très longue. Hurler avec les écolos n’a de sens qu’après avoir bienbien réfléchi aux conséquences de ce fait. Bon.
Tout ce que vous acquérez possède une valeur qui est la somme des salaires emboités correspondant. C’est le prix que vous payez.
Ah oui, mais non.
Version 2
Mon raisonnement doit fonctionner dans un monde qui comprend une grande quantité de non-producteurs au sens matériel. Une infirmière, un contrôleur du fisc représentent une ponction volontaire sur la valeur produite, considérant que le paysan ne peut aller bosser et faire des récoltes, que si et seulement si une infirmière et tout ce que sa formation suppose, sont intégrés en partie dans le coût de la récolte. Et même un service pas spécialement fun, mais jugé nécessaire, comme gardien de prison peut-être compté.
Il n’y a aucune difficulté à intégrer des services comme santé, éducation, police, théâtre, piscine comme on compte de l’engrais.
Mieux, mais toujours non.
Version 3
On a casé les producteurs de services, public ou non… mais il en manque encore.
Exact, j’ai gardé pour la fin la craquelure, qui devient fêlure puis brèche mortelle.
Il y a une autre catégorie de revenus dans la chaine des emboitements qui sont des « fuites » improductives. Le modèle des salaires emboités permet de situer ces fuites.
Qu’est-ce qu’une fuite ? C’est une dépense quelque part dans la chaine, qui ne produit en échange aucune contribution à la réalisation du machin en bout de chaine.
Le machin : une récolte, une place de cinéma, un contrat d’assurance, une voiture, un vol en avion, une baguette de pain, tout ce que vous pouvez imaginer.
Attention, un intermédiaire, qui peut se faire rétribuer honteusement, comme un publicitaire, peut s’insérer, mais ce salaire que vous jugez excessif, il l’a gagné avec son travail. Quoique vous en pensiez, même si vous pointez du doigt une escroquerie punissable, ce revenu n’est pas une fuite. Un gâchis oui ! A rechercher et à détruire, certes, mais ce n’est pas une fuite. Une commission d’intermédiaire, s’il a réellement été intermédiaire, peut être discutée.
La fuite, c’est lorsque des individus arrivent à prélever dans la chaine des montants significatifs sans fournir aucun service ni produit en contrepartie.
Ce sont les intérêts prélevés par les établissements bancaires au-delà de l’inflation des salaires, ou ceux directement prélevés par les actionnaires d’une société par action.
Or chaque salaire emboité, et les entreprises elle-même, sont contraint(e)s dans leur vie courante, à avoir recours au crédit pour compenser le manque de liquidités en circulation.
Au delà des phénomènes persuasifs qui nous font désirer des objets ou des services strictement inutiles, le fonctionnement normal du ménage ou de l’entreprise nécessitent des liquidités qu’ils n’ont pas.
Abonnés en permanence au crédit, afin de compenser la diminution de la masse monétaire « active » ou « circulante », les intérêts, frais et autres commissions sont prélevés sur votre compte, mais aussi sur le compte de votre boulanger, qui va bien vous compter les intérêts qu’il paye à sa banque.
Tous les consommateurs en bout de chaine payent la sommes des intérêts liés au fonctionnement de chaque acteur qu’il sollicite directement ou indirectement. Donc de chaque salaire …. emboîté !
Plus directement, les SARL (et non pas EURL), SA et ses déclinaisons, et toutes les structures comportant des actionnaires sortent de l’argent pour des gens qui ne donnent rien en échange.
Conclusion
Il se trouve que les intérêts sont utilisés par ceux qui ont profession d’en faire, comme pactole d’une entreprise financière supplémentaire. Et on recommence plus gros. Et encore…Et encore.
C’est bien le commerce de l’argent qui est la plaie numéro un du système capitaliste. Sous forme de rente qui peut être dividende d’action, ou intérêt de prêt, il donne un cadre légal à un racket. Au sens étymologique de ce mot : une facturation régulière en échange de rien, sinon de menaces.
Ayant fait de l’argent une chose désirable en tant que telle, pour pouvoir en obtenir plus, de plus en plus vite, ET ayant réussi à faire de la location d’argent le passage obligé de tous les acteurs de l’économie réelle, les propriétaires de l’argent nous plantent deux javelots.
Premier javelot : notre propre croissance nous est facturée : c’est prix de la location monétaire à la place de la création monétaire gratuite. En intérêts nous payons 50 milliards d’euro par an. Sachant qu’il faut obligatoirement emprunter pour payer la location elle même, ou alors, faire payer les électeurs.
Deuxième javelot : Notre difficulté à travailler normalement plus la nécessité de travailler encore pour payer la location de l’argent, nous contraint à la croissance. Retournez au premier javelot.
Parler de la croissance du PIB permet de ne pas parler de la croissance des salaires, et de l’écart grandissant entre les deux.
L’écart entre les deux, c’est la rente. C’est pour ça qu’on préfère ne pas vous en parler. Pas la peine de vous chauffer inutilement.
En regardant un produit, ou un service, vous pouvez utiliser cette idée de salaires emboités avec profit : Si vous arrivez à évaluer le coût des salaires de premier rang, les coûts des fournisseurs, et à connaître le chiffre d’affaire, la différence représente la prédation capitaliste.
Un dernier truc pour vous éviter un piège parmi d’autre : les sociétés qui veulent cacher des bénéfices éhontés ou tout simplement taxables s’inventent des fournisseurs à l’étranger auxquels ils doivent des frais de licence, des droits de brevets, sachant que ledit fournisseur a les mêmes actionnaires et est établi dans un paradis fiscal. Comme le montant de la licence est libre, il suffit de le calculer pour obtenir un solide écrémage des bénéfices taxables. Il est commun d’insérer une coquille vide aux Pays-Bas.