Le respect fait partie des concepts inviolables et inoxydables.
« J’ai droit au respect » constitue une synthèse désarmante de l’utilisation de ce concept-valise.
Notez que je n’ajoute pas « concept-nuage », parce qu’il n’est pas seulement fait d’abstraction, de rêve, d’imprécision propice à n’importe quelle transcription concrète partisane comme les concepts d’égalité, de fraternité.
Comment répondre non ?
Toutefois si le respect d’autrefois ne traduisait que la déférence au dominant du moment et à ses privilèges divers : professeur, juge, policier, notaire, curé, et surtout le patron ou le châtelain, il avait été généreusement étendu à tous les gueux que nous sommes, comme un cadeau sublime. Dans les limites des intérêts bien compris de l’actionnaire, cela va de soi, mais c’est toutefois avec ce genre de concept gentil, que nos dominants on desserré légèrement l’étau de leurs exigences.
Or le respect présente l’avantage d’être un lubrifiant dans les mécanismes de communication. Il adoucit les mauvaises nouvelles. Il amortit les effets de la domination.
Qui regrettera, que lors d’un procès, même le président du tribunal ne puisse interrompre le plaignant ou l’inculpé pendant qu’il exprime son point de vue. Selon le code de procédure pénal, il n’y a aucune limite au temps imparti. Et une interruption qui ne serait pas justifiée par un évènement punissable par la loi (injure à la cour, diffamation, emploi de mots orduriers dépréciant l’autre partie..), rendrait toute la procédure nulle. C’est là la transcription du respect que la société s’impose vis à vis de tous les usagers de la justice.
Mais il y a respect et respect. Certains « respects » nous viennent de la vie en commun dans la famille, d’autres à l’école, au travail, aux loisirs etc… La notion de respect fonde les relations humaines. Donc l’ambiance.
Peu avant 1914, la tournure des élections à venir indiquait une arrivée en masse de députés plutôt « de gauche ». Plus particulièrement un député annonçait clairement son désir de créer l’impôt sur les revenus. Une réaction très violente de la part des possédants avait commencé bien des années avant, dès lors que ce projet politique prenait forme.
On y invoquait l’intolérable abandon du respect du secret des fortunes. Texto. Ben oui, si impôt il y a, cela suppose de déclarer ses revenus. Horreur ! Une campagne visant à exciter le populo envers des allemands supposés obsédés par l’idée de nous tomber dessus, a été organisée pour justifier de lancer la piétaille se faire hacher menu. En guerre, on a généralement un consensus de bon aloi, et personne ne peut plus parler de choses comme l’impôt sur les revenus.
L’idée de l’impôt sur les revenus avait provoqué la panique des patrons, avec d’autres provocations ouvrières comme : la journée de 8h, une poignée de poix-chiches de plus dans la gamelle et autre. Vous savez quand votre souris d’ordinateur a mangé un peu de votre sandwich, et que maintenant votre outil de travail commence à sérieusement bloquer, vous dites « putain de souris de merde… », Vous la jetez contre le mur et vous en achetez une autre.
Il ne le dira jamais, mais Jean D’Ormesson de la Margelle du Puy Le Dernier Ferme Laporte, fait exactement pareil : les gros mots, le mur, tout.
Eh ben les patrons ne jettent pas les ouvriers contre le mur, ils les font mitrailler par quelque larbin plus larbin que les autres (La Commune de Paris), ou les envoient à la guerre : gouvernement Poincaré, ou laisse gagner un adversaire battable, mais qui aura le bon goût de dégager les rouges : Pétain. Et c’est comme ça dans tous les pays !
Vous comprenez mon bafroumir lorsque d’aucun me reproche mes libéralités de langage, plaçant au premier rang mes fautes d’orthographe et mes gros mots, ce qui permet d’évacuer le fond. Il eût été plus régulier que je le sachiasse.
Bon. Respect du secret des fortunes, ça ira très bien. Sinon, on vous envoie faire la guerre. Heu non, il suffit de vous la montrer à la télé.
Vous ne me croyez pas ? Allez donc voir l’exposé d’Henri Guillemin sur la période 1870-1914. Édifiant ! Non seulement les allemands que NOUS avons envahis en 1970 ne nous ont rien demandé, mais puisqu’on insistait, ils ont pris l’Alsace et la Lorraine. Nos chers chefs nous ont envoyés faire la guerre pour bloquer les avancées sociales. Ces crétins incompétents y ont laissé deux régions. Qui constituaient (éventuellement) les seules revendications allemandes. Donc en 1914, ils ont tout ce qu’ils demandent et n’en veulent pas plus.
Mais il est important de faire la paix au plus vite pour se retourner contre l’ennemi intérieur : la population de Paris qui est passée à gauche. Mais encore une fois, le bon Kaiser V2.0 de Prusse avait à l’époque bien d’autres soucis : l’intérieur et la Russie lui posent des problèmes autrement vitaux…
Réalité historique : tu veux coller des impôts aux riches : ils déclenchent une guerre. Il ne faut pas manquer de respect au secret des fortunes !
On parle du respect des règles de l’OMC. Un droit aérien, jamais discuté par les populations concernées, et qui organise leur pressurage.
Ce respect qui est le même mot que dans l’expression « respecte mon intimité ».
Qui va donc se mélanger avec le respect du droit de chacun d’acheter.
Ou avec le respect des règles démocratiques du moment. Ce qui permet en transparence de faire passer le respect de leur immuabilité. Respectes la loi, et ne la change pas.
Imposer le respect des votes majoritaires à l’assemblée permet de ne pas remettre en cause la constitution de cette assemblée et la somme des mobiles personnels de ses composantes. Le truc génial, clairement planifié par Thiers : « Si le populo vote, et sachant qu’ils votent comme on leur dit de voter, vous aurez automatiquement une légitimité inoxydable pour chacune de vos décisions, laissez tomber vos déglinguos de rois ». J’ai très légèrement adapté le texte.
Donc, le respect, c’est bien. Mais pas toujours. Les motivations de celui qui invoque le respect doivent être soigneusement examinées.
C’est un concept élastique commodément trituré selon le moment. A surveiller de près donc.
Encore un point : le respect se marie fort mal avec l’obéissance.
Exemple : je dois obéir au juge du tribunal, mais je ne suis pas obligé de le respecter. Ce qui ne veux pas dire que je peux l’insulter, cela veut dire que je peux faire appel de sa décision.
De même, un penseur peut être respecté, même si je combat ses idées. Tant que je ne dois pas lui obéir.
Un président de la République à talonnette a un jour crié au scandale parce que, selon lui, on lui avait manqué de respect, usant d’ailleurs d’une transitivité imaginaire, comme quoi on dévalorisait sa fonction. Ben dis donc mon pépère, on est déjà obligé de t’obéir, d’obéir à tes décisions sans appel, et en plus tu veux le respect ? Macache !