Malgré les vacances, le soleil et le pastis, le râleur est de retour.
Après quelques semaines de travail bien mérité, et en attendant de se taper la compta en retard (yesss!), votre serviteur jette un oeil sur le courrier de VUNCF, ainsi que sur le fourbi Facebook qui s’accumule.
Ah je vous retrouve bien là !
Des méga octets de dénonciation ! Vous avez bien pris votre pied pendant tout ce temps ! A l’exception d’une infime minorité qui a déjà contribué créativement à dessiner des esquisses de lendemains qui chantent moins faux, le flot de dénonciations stériles ne tarit pas.
C’est comme une série télé concon : c’est hypnotique. C’est jouissif, c’est de l’adrénaline à bon compte. Au détour d’une page internet, on découvre une saloperie de plus, on s’en délecte comme d’une glace italienne, ça coule au menton, ça tache les tongues mais c’est trop bon.
Tout content de trouver des opinions avec lesquelles on est d’accord par avance, c’est même une gratification que de se reconnaître dans ces bons sentiments, cette noblesse d’âme. Pendant un instant, on est robin des bois.
L’avantage, c’est que cela ne mobilise que le cerveau reptilien, comme pour marcher à une manif de gôche. On fait rentrer pour la nième fois les mêmes infos dans un cerveau qui n’oppose aucune résistance.
L’avantage secondaire, c’est que cet exercice est très peu fatiguant : il reprend des données déjà stockées, active des raisonnements connus pour confirmer une opinion dont la légitimité se trouve renforcée sans aucune modification.
Prenons, juste pour le contraste, le jeu exactement inverse :
Démonter les causes plutôt que se vautrer dans les effets
D’abord s’isoler de ce flot répétitif : couper la télé, cesser de prêter oreille au spectacle politique dès que possible. Renoncer à connaître la dernière saloperie du gouvernement, des médias, de Coppé, des Le Pen.
Stopper la lecture des démonstrations du cynisme des multi-nationales, des banques. Arrêter de poster des liens dénonciateurs sur Facebook.
Commencer, dans la durée – ah là, certains transpirent déjà -, à apprendre les bases : comme aller à l’école, combler les béances dans sa culture historique : se taper tout Guillemin. Il y en a pour des heures ! Pas de voiture sans chassis.
Ensuite prendre un peu de détente intelligente avec Frank Lepage. Ah flûte : il va falloir soutenir son attention plus longtemps que pour un épisode de série télé.
Pour tous ceux qui se piquent de démocratie parce qu’ils ont vu Chouard deux heures dans une conférence, se taper le bouquin de Mogens Hansen : « La démocratie athénienne » collection TEXTO. 10€
Ensuite, quelques heures avec Bernard Friot et ses amis : le travail, les rapports de force du salariat, la cotisation sociale. Indispensable quand on veut réformer la société ou au moins être capable de juger les propositions que les plus engagés vous présenterons.
Ensuite Frédéric Lordon, pour saisir dans ses causes, et non plus juste ses effets, la mainmise dictatoriale de la finance, chancre improductif et prédateur. Lire « La Malfaçon », et pour les plus courageux : « Capitalisme, désirs et servitudes »
Quitter son écran pour participer à des ateliers constituants, cherchez, il y en a partout en France.
Et pour finir, oser penser l’alternative législative : casser la société actuelle dans ses travers les plus voyants, c’est facile. Commencer à imaginer les règles, les lois d’une société heureuse, économe de la nature, se projeter dans des comportements vraiment différent, c’est vraiment plus difficile. A quand les ateliers législatifs ?!
Et ne pas oublier « l’accompagnement au changement », en clair la transition entre le « maintenant » et l »après ».
Bref, se casser le cul pour le changement, le vrai.
J’ose penser que la diffusion généralisée de cette base culturelle, le fait de faire naitre une vision concrète d’un modèle, même général, de société libérée du capitalisme ouvrira la possibilité de son avènement.
Quel peuple obtiendra le monde qu’il n’imagine pas lui-même ?
Quand il cessera de croire faire de la politique en dénonçant, un seau de popcorns à la main, les yeux rivés sur les effets, et qu’enfin, au fait des causes, il osera écrire lui-même son futur.