Trier ses arguments, accepter ses propres désirs.
Voila de quoi faire : dans les épisodes précédents, j’ai tenté de montrer le lien entre la prédation capitaliste et un socle de désirs primitifs.
Acceptons par exemple que nous luttons contre un système d’autant plus que nous n’en profitons pas. Le premier problème des pauvres, ce n’est pas « les riches », c’est de ne pas être riche. Le pauvre n’est pas sans désirs primitifs.
La société devient tout d’un coup super acceptable, dès lors que quelques briques en euros vous sont tombées dans l’escarcelle.
Ce qui permet de trier ses arguments : Tel comportement économique est préjudiciable à la communauté, mais il n’est que la réalisation discutable d’un désir primitif. Aiguiller le désir vers d’autres solutions sera plus efficace que l’interdiction de la solution en cours d’usage.
Pensons à notre voisin, laissons tomber les traders
Nous avons eu à connaître les comportements : le riche qui empile les biftons en prélevant sur le travail des pauvres. La peur de manquer mène le monde, même quand il y en a pour tout le monde. La peur de mourir devient la peur de manquer de fric. Survivre devient : « saisir une opportunité d’investissement ».
Le Trader, le banquier, le politicien professionnel, le rentier ( à 100% de ses revenus) sont d’une espèce minuscule. Vous n’avez pas besoin de leur accord, ne perdez pas de temps à tenter de les convaincre. Le système leur convient, il leur suffit de mettre les mains sur les oreilles et de crier « J’entends rien lala laala lala la… »
Reste 99% de la population, que nous allons sommairement diviser en deux :
Ceux qui n’en croquent pas, qui ne se sentent pas concernés : n’oubliez pas qu’ils rêvent (comme l’auteur de ces lignes) de gagner au loto. Le désir d’en croquer est latent, même s’il ne s’épanouit pas. Ceux là veulent cultiver leur jardin (c’est une image !). Ils ne vont pas s’opposer à vous, mais risquent de freiner la vague. A part les dégâts dû à la télé, leur seul défaut c’est de ne pas se sentir concernés, de prétendre n’y rien connaître, de ne pas avoir le temps. On divisera le groupe entre ceux qui s’en sortent, et ceux qui plongent ou ont déjà plongé. Énerver les seconds, toucher la solidarité qui sommeille dans les premiers.
Ceux qui en croquent des miettes, mais ne se sentent pas concernés : C’est pour arrondir leur fin de mois, leur retraite insuffisante. Certaion pensent que c’est légal, c’est normal qu’il y en ait qui aient plein de fric : grâce à eux on a de l’immobilier, des usines. Non pas grâce à eux ! A cause d’eux, l’immobilier devient insoutenable et les usines débauchent ou ferment.
Vous allez devoir penser à leur désir : « Ce type n’a aucune théorie sur les relations de classe, il veut juste se gaver et il a trouvé moyen de commencer à le faire ». « Ce type est obsédé par sa crainte du changement, peut importe le changement. ». « Ce type possède un immeuble, il préférera crever plutôt que d’admettre que cela lui sert à se gaver sur le dos des locataires ». Vous pouvez toujours le chambrer sur sa peur de manquer : il est conservateur par angoisse de mourir, c’est à lui qu’il va falloir en promettre le plus. Encore une fois, ne pas nier le désir, mais lui trouver un autre sujet d’application : « papy, tu vas devoir arrêter ta niche fiscale de rentier, mais en échange on donne du travail et des revenus à tes enfants et petits enfants, et on réajuste ta pension de retraite ».
Dans les cas d’individualisme égoïste, vous allez même vous heurter à une pulsion de mort : oui, pour garder sa grosse piscine, sa grosse voiture, sa grosse maison, il est prêt à tuer : un massacre heureusement le plus souvent symbolique.
Mais concrètement, il peut tuer des asiatiques au travail, tuer des espèces animales, tuer des rwandais…. pour avoir un joli smartphone plein de coltan, de lithium et autre, tuer des rivières et sans aucun problème, tuer la société française en lui privatisant tout, tout ce qu’il est possible d’acheter. Il peut tuer en toute impunité : c’est pas de sa faute, à l’écouter ! Et si son impunité morale pouvait être totale, il buterait de l’immigré, du chômeur, du gauchiste, du juge et dissoudrait toute l’administration des impôts dans un mélange d’acide sulfurique et d’acétone. Il ne fait pas de politique : il défend sa gamelle.
Répondez lui qu’en prison, vous serez au chaud avec trois repas par jour, et que tiens, lui mettre les tripes à l’air aurait donc deux effets positifs.
Votre projet est-il à la hauteur de ce défi : rassurer, motiver, éveiller la solidarité, résister avec humour à la contradiction, garder un cap de pensée ? Vous pensiez venir faire de la politique, vous ferez de la psychologie.
Ce billet n’est évidement pas LA vérité : il souhaite juste déplacer vos centres d’intérêts. Arrêtez avec la connaissance universelle, attrapez un bout à la porté de votre bras, et comme un colibri de Rabhi, allez convaincre trois personnes.
Et n’oubliez pas les désirs primitifs dont la connaissance et le respect nous évitent bien des pertes de temps.