Notre société est construite autour du modèle de la guerre de tous contre tous.
Nous sommes en concurrence, et pour les sujets essentiels, nous sommes en guerre. Il y a des besoins vitaux qui ne peuvent être satisfaits pour tout le monde, et cette concurrence est très profitable à un petit nombre.
5 millions et demi de français ont perdu cette guerre à l’emploi.
Les propriétaires ont gagné la guerre du logement contre les locataires. D’autres couchent dehors.
Les employeurs ont gagné la guerre de l’emploi dont ils détiennent les clefs contre les salariés. Les salariés se battent entre eux pour des postes sous-qualifiés.
Chacun est explicitement débarrassé de toute responsabilité vis-à-vis des autres. Il peut livrer sa bataille librement. Il est légitime de « se battre ».
De ce fait, quand un individu détecte une opportunité, qu’elle soit relative au logement, à la bourse, au commerce ou tout simplement un billet de banque qui traine par terre, il est absolument imprimé dans notre cerveau qu’il convient de saisir l’opportunité avant les autres, sans regarder le clodo à 50m qui en aurait plus besoin. Ou la mère de famille seule avec ses gosses depuis que son winner de père-de-ses-enfants est allé voir ailleurs. Ou celui qui a tout perdu dans une inondation.
Celui qui rend un portefeuille à qui l’a perdu, sans avoir prélevé la monnaie est soit un saint, soit un con, selon la personne à qui on demande. Celui qui l’a rendu vide est normal, juste un peu malin. Malin comme une tumeur, oui !
Chaque occasion d’obtenir de l’argent est exploitée sans aucune considération pour celui ou ceux qui vont devoir le fournir, ni ceux qui en seront privés.
Il est communément admis que le prix de vente d’un objet ou d’un service n’est pas calculé à partir des coûts du producteur, plus une marge nécessaire pour le fonctionnement à long terme dudit producteur. Ce qui pourrait être considéré comme « moral ». Ce que ça me coûte, mon salaire, mes frais réels et de quoi investir normalement pour entretenir ma société.
Un gentil contrôleur du fisc m’a expliqué que le bon prix était le prix maximum que je pouvais en obtenir, soit parce que je détiens une marchandise à laquelle le client ne peut pas échapper : eau, autoroute, parking, biens essentiels via des chaines de distribution constituant un cartel, soit parce que j’ai convaincu le client d’une valeur arbitraire, avec des pubs et des femmes à poil. Je dois tirer le maximum de profit possible.
L’état a aussi abandonné la morale. Si vous achetez une maison un très bon prix, en fait peut-être simplement plus près de sa « vraie » valeur, juste parce que le vendeur ne souhaite pas s’en coller trop plein les poches, le fisc vous rattrapera. Le contrôleur recalculera arbitrairement le prix comme si votre vendeur avait tapé au maximum possible, vous recalculera les taxes de mutations, supposant que vous avez forcément payé au vendeur la différence sous la table, donc que vous avez accompli un acte immoral. Le fisc pose donc en préambule que la morale est absente du domaine public, et force ceux à qui il en reste un peu à s’aligner sur l’immoralité ambiante, qui devient la norme. Si je ne fais pas de dessous de table, ce qui est la norme semble-t-il, je serais perdant au sens strict.
Tous les notaires de France apprennent à l’école des notaires qu’il faut s’absenter un moment pendant la signature d’un acte de vente pour permettre aux dessous de table de changer de main. Sur la table en fait. Nos super-notables ont bien compris le sens du bizness. Ils sont d’ailleurs récompensés par les possédants, qui leur ont donné une charge, des privilèges et la notabilité.
Un cartel est un ensemble d’entreprises, apparemment distinctes, mais qui se mettent d’accord pour monter les prix. C’est exactement le cas de nos fournisseurs de téléphonie. Tant qu’on ne se fait pas prendre, les pratiques de distorsion de la concurrence sont l’alpha et l’oméga de la bonne gestion d’entreprise : faire monter les prix de vente au maximum et empêcher l’arrivée de concurrents. La guerre n’exclut pas les alliances profitables.
Les directeurs commerciaux ou marketing utilisent d’ailleurs des termes guerriers pour qualifier leurs activité : « on va gagner des marchés (comme des place-fortes) » « On va se battre » « on est des gagnants ».
Cette dernière phrase représente bien la guerre de tous contre tous. Si je gagne des marchés, c’est donc bien que j’ai (commercialement) tué un ou des concurrents. Considération morale hors de propos.
L’exemple le plus crétin est représenté par les fanatiques qui campent la veille devant un magasin qui va offrir le lendemain un produit recherché. Ils partent donc du principe probablement exact que la quantité disponible sera inférieure à la demande. Dans le cadre de la guerre de tous contre tous, il est naturel de se précipiter et de camper devant le SchmurtzStore pour gagner la guerre de ceux qui ont un iphone5 contre ceux qui auraient bien aimé en avoir un aussi.
Dans le cadre de l’entreprise, il est solidement établi qu’une concurrence malsaine est souhaitable pour les postes supérieurs à pourvoir. Toutes les petites mesquineries sont autorisées, voir encouragées : dissimulation d’informations, médisance, ragots malveillants. Il y a des boites dont les dirigeants entretiennent une ambiance de concurrence de merde entre les salariés, parce que leur feuille Excel indique que la productivité s’améliore avec et se dégrade sans.
Finalement le gagnant de la joute est bien celui que souhaitent les actionnaires : le plus motivé, le plus apte aux compromissions, bref le plus apte à faire grimper les dividendes.
Reprenons l’histoire dans le cadre familial.
Une famille « normale », avec papa, maman, les trois gosses, peut-être un ou deux grands-parents.
Entre eux, pas de commerce. Maman ne se fait pas payer pour faire la becquetance. Les enfants reçoivent une éducation gratuite. Ils sont vêtus, nourris, soignés dans leur corps et leur âme par les autres membres de la famille, sans se faire facturer.
Chaque membre de la famille est attentif aux besoins des autres, qu’ils soient matériels ou psychologiques. Il n’est nul besoin d’être à jour de cotisation pour rester dans la famille.
La propriété financière est certes entre les mains du ou des parents, mais quand un ado parle de ‘sa’ chambre, personne ne lui conteste cette propriété d’usage. La propriété du doudou du petit dernier ne pose pas question à celui qui l’a payé. Il ne viendra probablement pas le reprendre.
Les enfants ne sont pas sans cesse menacés d’expulsion en cas de mauvaise note.
La famille, aujourd’hui, est le seul endroit où ne règne pas la guerre de tous contre tous.
C’est même la totale application de ce que l’on appelle le « communisme ».
La guerre de tous contre tous commence dès lors qu’il est permit d’accumuler de la richesse, sans discernement quant à la qualité du bien, et aux résultats globaux sur la société et surtout, sans considération morale.
La guerre pour le travail met 5,5 millions de gens dans une vie atroce. On s’en fout, c’est la guerre ! La mondialisation (inéluctable, dit le banquier), la compétitivité, tout ça…
La guerre pour le logement met des milliers de gens à la rue, et des centaines de milliers d’autres gens dans des bouges immondes. Ceux qui sont locataires consacrent entre un tiers et deux tiers de leurs revenus à se loger, argent qui va dans la poche des propriétaires.
Je pourrais continuer.
La guerre de tous contre tous n’est pas une « nature » humaine, c’est une fatalité imposée par les règles de notre société. Et les règles, ça se change.
Toutefois cet article vous invite à une réflexion : dans quelle mesure participez-vous à cette guerre, et pourquoi.
C’est d’abord ce à quoi vous encouragent les médias. Les pubs vous invitent en permanence à transgresser la morale, laquelle n’est plus clairement définie depuis longtemps. Il y a un discours ambiant qui vous réduit à trois postures.
Le looser : celui qui n’a pas couru après la queue du lapin, ou qui a échoué. Chômeur ou travailleur déclassé. La morale des winners a prévu un chapitre pour vous. Les loosers sont des assistés profiteurs (les winners n’aiment pas cotiser au chômage), et surtout ils doivent être un peu crétins.
La fourmi : vous n’êtes propriétaire de rien de folichon (le scooter tout pourri, ça ne compte pas). Vous trimez où on vous dit de trimer, vous consommez ce qu’on vous dit de consommer. Votre vie n’est qu’une grande bataille contre le déclassement, la perte de quelque chose de vital : logement, véhicule pour aller bosser, travail pour avoir l’argent etc…
Le winner : Il a hérité le plus souvent, mais des fourmis particulièrement combatives se sont petit à petit construites l’armement nécessaire : logements loués à des loosers ou des fourmis (de préférence), placements lucratifs et autres positions supérieures.
Evidemment, les winners ne sont responsables de rien, sauf de leur succès. Alors que les loosers sont facilement rendus responsables de leur situation : feignants, idiots, en tout cas pas des victimes !
Les fourmis ne pensent pas : 8h de taf plus les transports, les obligations matérielles (enfants, les courses, les formalités…). Elles ne sont probablement pas responsables des loosers. Elles ne sont pas assez à l’aise pour pouvoir prendre du recul. Des Shadoks qui pompent sans fin.
Si vous pensez à réfléchir à des changements, vous allez vite vous rendre compte que la guerre de tous contre tous est inscrite dans notre société. Elle prospère autant que la morale de la communauté disparait. Car une communauté n’existe que par les liens moraux qu’elle institue entre ses membres. Une communauté morale ne laisse aucun de ses membres déchoir en silence. En réduisant le mot à son expression la plus faible, comme la longueur des jupes, le marché dissout cette communauté, qui s’offre alors sans défense à lui. Les grands moralisateurs de notre temps se scandalisent du sort réservé aux roms ou aux sans-papiers. Ils ne se préoccupent pas beaucoup des 5,5 millions de chômeurs. Je n’ai jamais entendu le DAL, qui se préoccupe du logement, réclamer une réforme de la propriété.
L’abandon de la société aux intérêts privés libérés de toute morale sociale, uniquement guidés par une recherche infinie du profit est le seul moteur de cette guerre.
Rappelez-vous que spontanément vous êtes de purs cocos quand vous rentrez à la maison, sans que cela ne vous perturbe, même si vous vous appelez Bernard Arnault ou Tapie.
Christopher Lasch dans son livre « La révolte des élites », explique très bien comment les dominants de nos sociétés se sont appliqués à développer une morale double. Double comme les deux faces d’une pièce : l’envers, c’est le communisme total à la maison et l’avers c’est l’individualisme forcené, total, absolu à l’extérieur. La morale sociale américaine s’est toujours appliquée à justifier le soi-disant droit à être riche, et le droit des riches à rendre les pauvres malheureux si cela augmente les bénéfices. Pendant un temps, la société américaine donnait le droit à la richesse, en l’assortissant d’un simulacre de « contrat social » : l’obligation de faire la charité. Notez en passant que cela confirmait la soumission des uns aux autres. L’ordre de la guerre est le suivant : les généraux, bien à l’abri, envoient les soldats au front de la concurrence. En retour, les soldats ont une petite solde, et dans leur grande générosité, les généraux distribuent des sparadraps aux blessés. S’ils sont sages et ne protestent pas trop.
Sans compter que la charité doit être bien ordonnée : Les riches donnent aux fayots qui contribuent à les laisser riches. Mr Gates, qui gagne un argent simplement indécent, se justifie (sans succès) en faisant savoir au monde entier qu’il cherche un remède au paludisme. Ce qui va finalement donner lieu à une razzia financière par le labo pharmaceutique qui vendra le fruit de la recherche. Je parie que sa fondation gagnera au final de l’argent. N’est-ce pas le rôle de la communauté que de s’occuper de ces choses ? L’ambition amorale des capitalistes américains ou d’ailleurs consiste à privatiser l’état ! Pas de territoire neutre, plutôt la guerre partout.
Si vous êtes, comme je l’espère, en train de réfléchir à une remise à plat des causes de cette guerre, vous devrez penser cette dichotomie morale : cool à la maison, et un véritable enfoiré partout ailleurs.
Certes, dans les conditions actuelles, le premier agneau se fera becqueter par les premiers loups de passage. Il ne s’agit pas d’avoir une réflexion morale seulement personnelle. Une notion collective neuve doit mûrir.
Il a été décidé, en souvenir de nos guerres de religions, que la morale ne devait jamais être un sujet d’état. Parce qu’à l’époque, il s’agit d’éviter qu’une domination d’adorateurs d’un dieu arrivé au pouvoir mette en esclavage, ou relègue dans les terrains vagues de la société, tous les adorateurs d’autre chose. Donc maintenant les adorateurs de l’argent se sont substitués aux oppresseurs aristocrates, avec l’argument suprême de l’abandon de la morale considérée (parfois à juste titre) comme un fardeau néfaste à l’épanouissement des hommes. Nous avons été grugés : choisir l’absence de morale est simplificateur, et retire la possibilité d’une discussion.
Les premiers capitalistes, dès la fin du 17eme siècle, ont parfaitement compris que l’instabilité des états « moraux » serait un frein à leur expansion : ayant découvert les joies du commerce international, ils aimeraient bien compter sur leurs fournisseurs ou clients étrangers. Or dans les états « moraux » dominés par des « nobles », les bagarres continuelles nuisent à la bonne marche des affaires et à la perpétuation de la concentration du pouvoir et des richesses.
Il a donc été décidé que la morale restera à la maison, et une laïcité de circonstance imposée. Il a été postulé que le « doux commerce », laissé à sa dérive, serait le meilleur garant de la paix. On voit le résultat aujourd’hui : guerre militaire sur la moitié de la surface du monde, guerre capitaliste, la guerre de tous contre tous partout ailleurs.
Il semble bien que la notion de morale publique soit un tabou, au nom du respect de la vie privée. Ce qui donne une « laïcité » à géométrie variable, un discours sans cesse changeant au gré des batailles politicardes à gagner. La morale publique est ringardisée par la modernité du marché, de la consommation périssable. La morale n’est pas fun, ce qui clôt définitivement le débat pour le plus grand bonheur des prédateurs immoraux. Rappelons que nous vivons dans un monde polarisé par le cool et le nul, une pensée en noir et blanc, sans gris, où l’individualisation de la pensée par la disparition des lieux de rencontre intermédiaires ouvre un boulevard aux simplifications commerçantes.
Nous ne rencontrons que des gens d’accord avec nos idées, nous n’allons qu’à des conférences qui racontent ce que nous voulons entendre. Par exemple, il est plus difficile pour moi de rencontrer un opposant à mes idées, qui pourrait me permettre d’élargir mon champ de réflexion, que ce soit pour confirmer mes opinions, ou pourquoi pas mettre de l’eau dans mon vin. Et surtout affiner cette morale qui ne saurait mettre à l’écart quelque personne que ce soit.
La seule morale inculquée depuis deux cent ans, c’est la morale économique et le respect de la propriété privée ; L’Euro fort, l’ouverture des frontières, la libéralisation des activités ces derniers temps. C’est un dégoût d’ordre moral qui saisit le citoyen confronté aux idées de protectionnisme ou de sortie de l’euro. Une pseudo morale « européenne », censée être plus ouverte, plus moderne et intégrant un plus grand nombre dans la fête de la richesse permet de cacher la prédation.
Le reste, comme C. Lasch le montre bien, n’est que pure justification malhonnête ou bien relève d’un marketing omniprésent.
L’extension à l’Europe et au monde entier de ce conflit sans morale donne toujours lieu à un démontage des lambeaux de morale publique qui restaient accrochés ici et là. La morale publique est contraire aux intérêts marchands, donc est explicitement interdite par nos lois, au nom du respect de la libre concurrence non faussée, qui est par conséquence la seule morale publique.
Vous n’avez jamais imaginé une morale publique. Dans notre monde qui ne protège plus que les investissements, c’est-à-dire l’esclavage moderne et la destruction de notre environnement, certaines pensées morales sont presque présentées comme scabreuses, indécentes, toujours vieillottes, poussiéreuses et réactionnaires.
On a donc inventé une « modernité réformatrice », image carénée de l’égoïsme, qui s’emploie du matin au soir à retirer aux salariés les petits bouts de paix qu’ils avaient pu obtenir jadis, pour ouvrir des marchés et des opportunités.
« Ouah l’autre ! Il va encore nous faire la morale… »
La morale a disparu au profit des calculs. La politique, science éminemment morale, a fait place à un régime technocrate, censé être parfait puisque dégagé de tout aléa moral. Un tableau Excel a toujours raison, un orateur politique rarement ou jamais, non ?
C’est l’absence de cette morale qui ouvre un boulevard à l’appétit des prédateurs. Ce ne sont pas les prédateurs qu’il faut pourchasser, ils ne font que profiter des opportunités que nous leur laissons, par bêtise. C’est notre désintérêt pour le groupe, auquel nous refusons d’appartenir, et donc pour la discussion permanente de notre contrat social réciproque, qui fonde notre déchéance. Un groupe social communique et évolue en même temps que sa morale, et il meurt avec son décès.
Nous devons faire renaître une morale sociale, discutée, contredite, améliorée sans cesse afin de reprendre les rênes abandonnées aux techniciens du budget, du déficit et de la libre-concurrence (qui est exactement le contraire de ce que son nom suggère, voyez Frédéric Lordon).
Nous nous plaignons que nos vies soient manipulées, orientées par des pouvoirs lointains, souvent occultes, alors cessons de nous plaindre, rencontrons nous, mettons fin à la guerre de tous contre tous.
Le traité de paix de cette guerre, c’est l’édification consentie d’une morale supérieure qui décide une fois pour toute des choses les plus essentielles, laissant les détails à la loi.
Nous avons décidé de ne pas circuler tout nus dans l’espace public.
Pourquoi ne pas rendre illégale, ou mieux, anticonstitutionnelle, la propriété lucrative qui permet aux renards de se servir copieusement et sans limite dans le poulailler ?
Illégal de laisser dormir dehors ceux qui ne souhaitent pas ?
Illégal de ne pas pouvoir gagner tranquillement sa vie, pas seulement gagner de l’argent, mais « vivre » prospère, ne pas constamment flipper pour son job, son logement, sa note de gaz ?
Pourquoi ne pas décider une mesure qui n’est que « morale » comme interdire le mouvement des capitaux qui a tué notre industrie ? Ce n’est pas une mesure financièrement facile aujourd’hui, mais la morale n’est pas « utile » ou « commode ».
Dans notre constitution, il est fait allusion à des « droits » de l’homme, qui sont totalement bidons ou totalement piétinés : Les banques ne tolèrent aucun écart à leurs exigences de rente, même si moralement, il semblerait préférable de sursoir aux paiements d’intérêts totalement non nécessaires à ceux qui les reçoivent, en attendant d’avoir construit le cadre de travail pour tous nos chômeurs, et pris (donc payé) les mesures que le respect de notre environnement exige. Des lois qui formalisent l’obligation de l’état à louer son argent, privant la communauté de tout espoir de prospérité sont éminemment amorales : elles distribuent des sommes colossales à un minuscule groupe d’intérêts qui ne donne strictement rien en échange. Est-ce moral ?
Dans ce monde, il faudrait que la morale s’exprime dans la loi, et pour ma part j’aimerai réfléchir à l’idée d’en coller un peu dans la constitution. Non pas une morale de détail, instituant des déférences ou qui touche à la vie privée, mais en revanche faire renaître une morale des relations entre citoyens. Pas une morale individuelle qui oblige chacun vis-à-vis du dominant, mais une morale de groupe, qui oblige chacun vis-à-vis du groupe et réciproquement. Une morale empêche l’institution de mécanismes égoïstes, alors que c’est l’objectif de notre constitution et de l’échafaudage européen.
La pub notamment distille une amoralité fun, avec du porno chic, des transgressions qui autorisent tout le monde à faire n’importe quoi pourvu que cela rapporte à quelques-uns. Cette fausse libération des mœurs qui n’est qu’un déguisement à la libération du marché fait exploser le peu de conventions sociales que nous n’ayons jamais eu. La morale est par nature non commerçante, non profitable. La morale publique que j’imagine vise la prospérité et non pas le retour sur investissement.
« Les besoins de la communauté ou la préservation de l’environnement prévalent sur les intérêts particuliers »
« La propriété lucrative est interdite »
« Une loi ne peut s’imposer au peuple s’il n’a pas expressément donné son accord, ou s’il use des contre-pouvoirs à sa disposition pour se soustraire au manigances de législateurs corrompus »
« Les citoyens se doivent entre-aide et compréhension »
« On ne vend pas d’armes à un dictateur »
« Le commerce de l’argent est interdit »
« L’état préserve les biens communs des intérêts particuliers, les entretient et les met à la disposition de chacun »
« Aucun licenciement ne peut avoir lieu dès lors que l’entreprise fait des réserves ou distribue des bénéfices. »
« Le rachat d’action par l’émetteur de ces actions impose une dépréciation de son capital pour la valeur équivalente sans réévaluation des actions restantes » (en attendant d’interdire les dividendes)
« Je suis responsable de mes concitoyens comme ils le sont de moi »
Aussi curieux que cela puisse paraître, de telles assertions suppriment le chômage, les dettes et la dégradation de l’environnement.
Ce fourre-tout n’est qu’une stimulation pour une réflexion méthodique qui doit être celle de chacun à la hauteur de ses moyens intellectuels. C. Lasch attire notre attention sur la nécessité de créer des lieux de rencontres publics où nous nous rencontrerions sans sélection préalable : pas spécialement des amis, pas spécialement des gens d’accord, mais un réel échantillonnage d’opinions doivent participer à la discussion. Dur en période de Smartphone ou de Facebook qui cloisonne parfaitement les rapports sociaux.
Continuez la liste, s’il vous plaît, je manque de vos idées et j’attends la fin de la guerre.